Preuve numérique, les règles à respecter

dématérialisation preuve numérique

La « preuve numérique » représente toute information numérique pouvant être utilisée comme preuve dans une affaire de type judiciaire. Les entreprises doivent fournir un document électronique qui puisse être retenu comme preuve par les tribunaux. Les outils numériques, tels que les courriels, la signature électronique et les documents numériques, constituent des éléments de preuve nécessaire à la défense d’un professionnel en cas de mise en cause. Se pose alors la question des règles à respecter pour que cette information numérique puisse être considérée comme élément de preuve.

Le courrier électronique

Les services de messagerie connaissent une croissance exponentielle au sein des entreprises et les volumes des contenus échangés par voie électronique dépassent très largement ceux des flux papier. Ils correspondent à environ deux tiers des données transmises. Or, le plus souvent, les courriers électroniques sont mal gérés et mal archivés. Dans les grands groupes, plusieurs systèmes de messagerie peuvent être utilisés, ce qui complexifie leur gestion. Mais certains courriers électroniques doivent être archivés par l’entreprise car ils sont susceptibles de constituer des éléments de preuve d’un engagement contractuel ou de l’exécution du contrat, ce qui est particulièrement utile en cas de contentieux.

La gestion et l’archivage des courriers électroniques doivent faire l’objet d’un traitement spécifique par l’élaboration d’une politique visant à les encadrer juridiquement en corrélation avec la charte informatique, le règlement intérieur et la Politique de sécurité de l’information de l’entreprise.  Une Politique de gestion et d’archivage des courriers électroniques se veut différente de la Politique d’archivage des documents. Elle consistera également à veiller au respect des règles en matière de vie privée des salariés et à encadrer les exigences propres de l’entreprise (traçabilité des échanges internes et externes) conformément aux textes applicables. Pour ce faire, demandez conseil à votre prestataire ou responsable informatique afin d’être en conformité avec la jurisprudence.

Le courrier électronique recommandé

L’article 1369-8 du Code civil reconnaît juridiquement l’existence du courrier électronique recommandé avec ou sans avis de réception, mais aussi les lettres recommandées « hybrides», envoyées par voie électronique, éditées sur papier et acheminées par voie postale.

Le procédé utilisé pour l’envoi d’un courrier électronique recommandé répond à quatre exigences énumérées à l’alinéa premier de l’article 1369-8 du Code civil :

– le procédé doit identifier le tiers qui achemine le courrier électronique recommandé ;

– le procédé doit désigner l’expéditeur du courrier électronique recommandé ;

– le procédé doit garantir l’identité du destinataire du courrier électronique recommandé ;

– le procédé doit établir si la lettre a été remise ou non au destinataire dudit courrier.

Par ailleurs, deux modalités de réception du courrier recommandé électronique sont prévues par l’alinéa 2. Si une lettre recommandée par voie électronique est envoyée, l’expéditeur peut choisir une réception sur support papier ou une réception sous forme électronique.

La signature électronique

La signature électronique est un élément de preuve indiscutable. Elle peut être apposée sur un email ou un document scanné ou nativement numérique. Elle permet d’attester de l’envoi et de la réception du document. Bien qu’il existe une distinction entre la signature électronique « simple » et la signature électronique « sécurisée  présumée fiable », les deux types de signature électronique ont la même valeur juridique dès lors qu’elles  reposent sur l’utilisation d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache (art.1316-4 al.2 du Code Civil). Pour une signature électronique sécurisée présumée fiable, la charge de la preuve de l’absence de fiabilité du procédé utilisé repose sur celui qui conteste la valeur juridique de la signature (et plus généralement l’acte signé). Pour une signature électronique simple, la charge de la preuve de la fiabilité du procédé utilisé pour signer l’acte en cause repose sur celui qui se prévaut de la signature électronique.

 

L’utilisation de la signature électronique apporte les garanties suivantes :

  • authenticité de l’identité du signataire,
  • intégrité des données qui assure qu’il ne peut pas y avoir de contrefaçon du document ou email par opposition au document papier qui peut être modifié par une personne non-autorisée après signature,
  • traçabilité,
  • immuabilité dans le temps.

Pour se prévaloir d’une signature électronique fiable, vérifiez si cette dernière bénéficie d’un certificat électronique délivré par un prestataire de services qualifié. L’arrêté du 26 juillet 2004 encadre et définit la reconnaissance de la qualification des prestataires de services de certification électronique.

Les documents numériques

La distinction selon laquelle le document doit être considéré comme un original électronique ou comme une copie est importante car le régime juridique applicable est lui-même distinct et sa conséquence est déterminante en cas de litige (incidence sur la preuve) : la hiérarchie des preuves place l’original au-dessus de la copie.

Le titre original se définit comme étant un « écrit dressé, en un ou plusieurs exemplaires, afin de constater un acte juridique, signé par les parties à l’acte (ou par leur représentant) à la différence d’une copie ». L’ordonnance du 16 juin 2015 prise en application de l’article 26 de la LCEN est venue consacrer juridiquement une nouvelle fiction juridique, l’exemplaire d’un original sous forme électronique : « L’exigence d’une pluralité d’originaux est réputée satisfaite pour les contrats sous forme électronique lorsque l’acte est établi et conservé conformément aux articles 1316-1 et 1316-4 et que le procédé permet à chaque partie de disposer d’un exemplaire ou d’y avoir accès » (art. 1325, al. 5 du Code civil). Cet article renvoie aux articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil également cités pour les écrits requis à titre de validité (art. 1108-1 du code civil). En conséquence, les mêmes conditions d’identification de l’auteur et d’intégrité du contenu de l’acte devront être respectées pour l’établissement et la conservation de l’acte. L’acte doit pouvoir être envoyé (aux) ou mis à disposition des parties signataires. A des fins d’archivage, de plus en plus de documents (factures, bulletins de paie, bons de commande, bordereau de livraison, etc.)  sont numérisés au sein des entreprises (GED ou logiciel GED). Il faut cependant respectées certaines règles concernant l’archivage des documents en matière de conservation car le document dématérialisé peut prouver que le professionnel a bien rempli ses obligations.

L’archivage peut être défini techniquement comme « l’ensemble des actions, outils et méthodes mises en œuvre pour conserver à moyen ou long terme des informations dans le but de les exploiter ». Une définition légale de l’archivage, applicable pour l’essentiel aux seules personnes publiques ou privées gérant un service public, se trouve à l’article L. 211-1 du Code du patrimoine qui dispose que l’archivage est la conservation de « l’ensemble des documents, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l’exercice de leur activité ».

L’accent doit être mis sur deux éléments importants au niveau de la conservation car la durée et les modalités de conservation sont déterminées en fonction de la nature du document à archiver. Vous trouverez plus d’informations à ce propos dans l’ebook  intitulé : Les durées légales de conservation de vos documents.

Enfin, l’archivage électronique répond à certaines normes et/ou standards.

Par exemple, les normes :

  • NF Z 42-013 : ce sont des « spécifications relatives à la conception et à l’exploitation de systèmes informatiques en vue d’assurer la conservation et l’intégrité des documents stockés dans ces systèmes ». De plus, cette norme est le référentiel mesurant la valeur probante des systèmes d’archivage électronique.
  • NF Z 43-400 : correspond au référentiel évaluant la force probante de l’archivage des données électroniques et d’assurer l’irréversibilité des enregistrements.
  • MoReq : est un recueil d’exigences pour l’organisation de l’archivage élaboré dans le cadre de l’Union européenne. Il s’agit d’une approche opérationnelle de la norme de gestion des documents d’archives ISO 15489.

Là encore, demandez conseil à votre prestataire ou responsable informatique pour bien respecter les règles de l’archivage.

Ainsi, le numérique joue un rôle essentiel et grandissant en matière de droit de la preuve. Il convient cependant de respecter les règles des différents outils numériques qui constituent des éléments de preuve.


Source : N°493 Décembre 2015 Revue Française de Comptabilité (dossier intitulé Mise en cause de l’expert-comptable et preuve numérique) – Vade-mecum juridique de la dématérialisation des documents, Documents FNTC, 5ème édition.

24 juillet 2018